Le Coq, pièce de forme créée par Marc Chagall en 1954, est une céramique zoomorphe typique des créations réalisées à l’atelier Madoura et des « vases sculptures »1. Elle atteste des recherches formelles de Marc Chagall et des artisans de l’atelier tendant à effacer les frontières entre sculpture et céramique en tournant et modelant des pièces dans lesquelles le volume prime. Une autre céramique, de la même forme existe (Le Coq (1954)) mais dont le décor diffère. De couleur grège, l’animal à la panse ventrue et aux courtes pattes est pourvu d’une cavité dorsale, autour de laquelle est finement gravée et dessinée la silhouette d’une femme en arc de cercle. Sur la panse, un couple enlacé est gravé et rehaussé de noir, rappelant à la fois le travail de gravure et les lithographies en noir et blanc réalisées par l’artiste dans les années 1950 et 1960 et les calligraphies à l’encre de Chine de l’Extrême-Orient2. Ce décor graphique, finement ciselé dans la terre encore crue, qui souligne les éléments et fait naître les personnages à la surface des pièces, est employé par Marc Chagall à l’atelier Madoura sous l’impulsion de Suzanne Ramié et des artisans, dans la lignée de la technique du sgraffito3, lui permettant d’étendre les possibilités techniques de la céramique et de créer son vocabulaire propre dans lequel peinture, dessin, sculpture et céramique dialoguent en synergie. Les proportions du Coq, jouant sur le contraste entre un ventre très rond et des pattes courtes, confèrent à la céramique une allure cocasse et non dénuée d’humour, qui peut être rapprochée des représentations d’animaux dans la céramique populaire russe et les loubki4. Cette forme pansue et animale fait également écho aux céramiques précolombiennes, dont les productions de l’ouest du Mexique et plus spécifiquement celles de Jalisco et Nayarit5. La cavité, élément plastique et fonctionnel, peut permettre l’utilisation du Coq comme d’un vase. Mais au-delà de sa fonction utilitaire, la présence de cette ouverture est également un appel aux sens et à l’écoute des sonorités de la matière, ressemblant à celles des coquillages marins que l’on porte à son oreille pour écouter le bruit de la mer6.
A.G