Céramique

La Maison

Marc CHAGALL

  • N° C-189
  • 1952
  • Vase
  • Terre rose, décor aux engobes et aux oxydes, gravé au couteau et à la pointe sèche, sous couverte
  • 27 x 24 x 19 cm
  • Signée ChAgAll sur le col
  • Atelier de poterie : Madoura
  • Collection particulière

Réalisée en 1952 à l’atelier Madoura, La Maison est un pichet anthropomorphe dont la panse ronde et les côtes qui s’évasent en corolle évoquent la forme du pichet vallaurien connu sous le nom de « coucourdon »1. Partant de cette forme, Marc Chagall fait le choix de concevoir la forme du pichet comme un corps, au-dessus duquel se glissent deux têtes de personnages. Il y appose également une anse irrégulière formant le bras d’un des personnages et orne l’intérieur du col d’une tête d’oiseau malicieuse. L’archaïsme recherché, tout comme les ajouts d’éléments modelés, évoque l’art populaire russe et la matérialité brute des sifflets produits dans les régions de Dymkovo, Filimonovo, Skopine et Vyrkovo2. Le décor, qui s’organise tout autour de la panse, est constitué d’éléments iconographiques finement gravés dans la pâte beige rosé encore crue : une maison, un coq, un bouc et un poisson se déploient dans des tons vert, jaune et rose. Une surprenante frise de seins en relief, formant un collier de perles autour du col, souligne l’hybridité de cette forme anthropomorphique3. Ce décor complexe, qui se dévoile en tournant autour de la pièce, s’articule autour du motif central de la maison et d’un personnage jaune à double profil. La Maison, comme son titre le suggère, souligne avec force le lien établi par l’artiste entre l’élément naturel de la terre, le sol des origines et celui du foyer, mais également sa terre d’accueil : « Je suis venu en France, avec encore de la terre sur les racines de mes souliers. C’est long pour que cette terre sèche et tombe. Quand cela m’est arrivé, indépendant de ma volonté, il m’a fallu retrouver une autre réalité. Je l’ai trouvée dans les paysages de France, les fleurs du Midi, les horizons de Peïra-Cava, la terre de Gordes ou du Roussillon, les rouges profonds du Mexique […] Mais cela n’est possible qu’à celui qui a su garder ses racines. Garder la terre sur ses racines ou en retrouver une autre, c’est un véritable miracle.4» La maison, élément iconographique récurrent dans l’art de Marc Chagall, est un marqueur identitaire de premier plan. Elle ancre celui qui l’habite et le protège de l’extérieur, tour à tour stabilité et refuge. Sa représentation, en céramique et dans toutes les techniques, permet à Marc Chagall de développer une forme de représentation autobiographique symbolique, présente également dans les gravures de Ma Vie (1922) et l'Autoportrait Bouche Maison ou Autoportrait avec la maison (KO 30) (1922 - 1923).

A.G
1 La forme du coucourdon, issue des traditions de potiers du sud de la France, est remise au goût du jour par Suzanne Ramié à Madoura à la fin des années 1940. Il s’agit d’un pichet dont la panse évoque la forme d’une courge. Cf. Planche 64, Poterie du XVIIIe siècle, François Poncetton et Georges Salles, Les Poteries françaises, Paris, éditions G. Crès et Cie, 1928.
2 Ces sites de production ne sont pas exhaustifs et sont donnés à titre d’exemple. Voir à ce sujet la page des collections du Mucem à Marseille qui recense davantage de lieux de production : https://mucem-sifflets-terre-cuite.fr/collection/chapeau.php?pays=russie&title=Russie. La fille de Marc Chagall, Ida Chagall, possédait par ailleurs plusieurs objets de ce type.
3 À l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’a pas été possible de déterminer si ces éléments circulaires ont été ajoutés volontairement par l’artiste ou si des formes préexistantes, présentes sur les formes anciennes de coucourdon, ont servi comme base de création et support d’imaginaire.
4 Marc Chagall cité in Marc Chagall (cat. exp., Paris, Palais du Louvre, Pavillon de Marsan, Musée des Arts décoratifs, juin-septembre 1959), Paris, Musée des Arts décoratifs, 1959, p. 448.
  • La Maison, 1952, Céramique de Marc Chagall

    Marc CHAGALL, La Maison, 1952, terre rose, décor aux engobes et aux oxydes, gravé au couteau et à la pointe sèche, sous couverte, 27 x 24 x 19 cm, Collection particulière © Fabrice GOUSSET/ADAGP, Paris, 2024

  • Marc CHAGALL, La Maison, 1952, terre rose, décor aux engobes et aux oxydes, gravé au couteau et à la pointe sèche, sous couverte, 27 x 24 x 19 cm, Collection particulière © Fabrice GOUSSET/ADAGP, Paris, 2024

  • Marc CHAGALL, La Maison, 1952, terre rose, décor aux engobes et aux oxydes, gravé au couteau et à la pointe sèche, sous couverte, 27 x 24 x 19 cm, Collection particulière © Fabrice GOUSSET/ADAGP, Paris, 2024

  • Marc CHAGALL, La Maison, 1952, terre rose, décor aux engobes et aux oxydes, gravé au couteau et à la pointe sèche, sous couverte, 27 x 24 x 19 cm, Collection particulière © Fabrice GOUSSET,

    Fabrice GOUSSET/ADAGP, Paris, 2024.

    /ADAGP, Paris, 2024