Le Vase à la main (1953), unique dans l’œuvre céramique de Marc Chagall par sa facture, dénote par sa forme brute et sa main puissante venant entourer le pourtour de la pièce et lui servir d’anse. Faisant partie des expérimentations techniques les plus poussées de l’artiste à l’atelier Madoura, ce « vase-sculpture »1 repousse les limites de la céramique utilitaire et de l’esthétique vallaurienne. Très éloignée des productions des années 1960 réalisées à Vallauris, cette pièce surprend par sa dimension archaïque, la terre brute émaillée de blanc monochrome et la recherche d’une forme libre ne recherchant pas la matière lisse ni le raffinement. Le regard qui se pose sur la céramique relève immédiatement les traces de modelage, saisit la force des mains qui étreignent la matière et la pétrissent. Sur la panse et à l’intérieur, des motifs sont gravés et peints sur la terre brute laissée en réserve, sans émail. Un nu féminin allongé, évoquant celui du Le Nuage nu (1945 - 1946), habite la surface de la céramique de sa présence charnelle. L’intérieur du vase dévoile un personnage de profil tenant un bouquet de fleurs, finement gravé et peint. Si les artisans de l’atelier Madoura témoignèrent tous de la liberté de création de Marc Chagall, l’artiste ne se souciant guère des avertissements techniques ou des impératifs de cuisson2, le Vase sculpté (1952), réalisé en 1952, est une autre occurrence de cette exploration de la céramique-sculpture dès le début de son travail de céramique. Cette céramique, pourvue elle aussi de l’élément iconographique de la main, symbolisant à la fois la création, la volonté du divin, le faire et le défaire, est associée à une forme irrégulière en forme de vase évidé à moitié. Sur la face principale apparaît à l’intérieur un profil de femme, qui épouse la découpe au fil réalisée dans l’argile crue pour créer cette forme si singulière. Sur la partie externe basse se répondent une main et un animal jaune, qui ont été modelés à la base de la pièce. À l’envers, l’envolée d’un couple et un décor floral dans les tons bleus et lilas se déploient sur la panse arrondie. L’anse, avant tout décorative, posée très basse sur la pièce, se déploie telle une oreille à l’écoute de toutes les voix entendues par la terre.
A.G