Marc Chagall, Les Fables de La Fontaine à travers la céramique
Après la Seconde Guerre mondiale, Marc Chagall, installé dans le Midi, expérimente de nouvelles techniques. Il se tourne vers la céramique en travaillant de concert avec des artisans et réalise en 1950 – sûrement en collaboration avec la Poterie des Remparts à Antibes1 – une série de douze plats figurant Les Fables de La Fontaine. Gaston Bachelard affirmait d’ailleurs à propos de l’artiste, dans un article de la revue Derriere le miroir : Chagall paru à l’occasion de l’exposition Marc Chagall
La rencontre de Marc Chagall avec Les Fables a lieu en 1926, lorsque le marchand d’art et éditeur Ambroise Vollard lui commande «
Après la guerre, Tériade reprend le projet éditorial interrompu par la mort de Vollard7. Chagall, qui s’enracine dans la terre du Midi – notamment à travers l’art de la terre et du feu –, renoue alors avec ce sujet. L’artiste ne recherche pas une similarité plastique avec les gouaches des années 20 mais explore plutôt les qualités intrinsèques que lui offre ce nouveau matériau en incisant la terre – geste faisant écho aux gravures –, comme sur le plat Fables de La Fontaine : Les Deux Pigeons (1950), recouvert d’émail pour un rendu lumineux. Chagall simplifie les formes et les couleurs – aux dominantes tour à tour blanches, ocre, rouges ou bleues – et puise dans son propre bestiaire, formant une «
Tant par l’aspect lustré et décoratif des œuvres que par la représentation de fables, cette série pourrait par ailleurs faire penser à la faïence italienne renaissante. Les céramistes italiens de la majolique9 s’inspiraient de gravures pour réaliser des plats à usage ornemental10, telles des peintures émaillées. Les fables d’Ésope – traduites en Europe à la fin du xve siècle – furent ainsi sujet de pièces réalisées notamment à Deruta et Gubbio, à l’instar du plat Le Faucon et le Chapon (1500) aujourd’hui conservé au Ashmolean Museum à Oxford11 12.
En créant cette série de « peintures-céramiques13 », Marc Chagall renouvelle son hommage aux Fables de La Fontaine – déjà représentées à travers gravures et gouaches –, faisant ainsi dialoguer les techniques14. En les façonnant dans la terre, en les ancrant dans la vie quotidienne, il confère à ce monument de la littérature une nouvelle lecture.