Introduction du thème Cirque
La Kermesse ou La Procession ou L'Enterrement, 1908, Œuvre sur toile de Marc Chagall

La Kermesse

ou La Procession ou L'Enterrement

Marc CHAGALL

1908, 68,5 x 95,2 cm

Cette huile sur toile prend pour thème une kermesse, chapiteau de cirque et acrobate à l’arrière-plan, associée à une procession funéraire. Le cortège, guidé par deux hommes portant un cercueil, et disposé en file indienne, reprend une composition esquissée au crayon par l’artiste en 1908. Le format horizontal de la composition accentue le déroulement narratif, lui conférant une dimension cinématographique. Allongé dans le bas de la composition, un clown avec sa lampe à pétrole, éclairant le monde circassien, un motif récurrent présent dans les gouaches du cirque Vollard, dont Cirque Vollard : Les Clowns et la lampe à pétrole (1927). L’association thématique entre les jeux du cirque et la mort révèle la profondeur de la dimension ludique de l’œuvre de Chagall, le cirque étant pour l’artiste « un mot magique […] un jeu millénaire qui se danse, où les larmes et sourires, le jeu des jambes et des bras prennent la forme d’un grand art » et la « représentation qui [lui] semble la plus tragique. À travers les siècles, c’est le cri le plus aigu dans la recherche de l’amusement et de la joie de l’homme ». Les tons sombres de la toile, bruns et rouges profonds, caractéristiques des peintures des années 1908-1909, accentuent cette lecture personnelle du cirque, tissant des liens entre les mondes sacré et profane.

A.G.

L’atelier d’artiste est un thème récurrent de l’histoire de l’art, qu’il soit dessiné, peint ou photographié. Ce lieu fascine en tant que berceau du geste créateur, vision romantique de l’atelier héritée du XIXe siècle. Durant ce siècle, un véritable mythe se construit autour de la figure de l’artiste, admiré, qui devient « prescripteur de goût1 » pour la bourgeoisie et les bohèmes s’inspirant de son mode de vie, souvent fantasmé. Au début du XXe siècle, l’atelier devient alors un modèle architectural à Paris, inspirant de nouvelles constructions illuminées par de grandes verrières et une belle hauteur sous plafond, dans lesquelles la décoration poursuit cette recherche de la « vie bohème », créée par des mises en scène et des accumulations d’objets plus ou moins luxueux2. Plus tard, l’atelier de Chagall perpétue cette image et s’inscrit dans cette représentation mentale collective. Des photographies provenant des Archives Marc et Ida Chagall et les représentations de l’atelier permettent d’entrevoir l’atmosphère de ces espaces de création. Ces lieux sont en effet pluriels, suivant les nombreuses installations du peintre en Russie, en France, en Allemagne et en exil aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet espace de l’atelier, prenant de l’ampleur, a suivi l’évolution du statut social et de la reconnaissance de Chagall en tant qu’artiste, de son séjour à la Ruche de 1912 à 1914, une cité d’ateliers-logements du quartier de Vaugirard, jusqu’à la construction de la villa La Colline à Saint-Paul-de-Vence, où l’artiste s’installe en 1966. Ces lieux sont synonymes de rencontres et de collaborations lorsque Chagall aborde d’autres pratiques artistiques, ce qui transcende une vision très personnelle de l’atelier.

Les œuvres représentant son atelier permettent de mettre en lumière sa fonction et le rôle spécifique que lui assigne l’artiste. Chagall ne peint pas en plein air : « Je peignais à ma fenêtre, jamais je ne me promenais dans la rue avec ma boîte de couleurs », affirme-t-il dans Ma vie3. L’atelier est un lieu charnière, matérialisant la rencontre entre l’intérieur et l’extérieur, cristallisée par la fenêtre. De la même manière que l’autoportrait, ces représentations de l’atelier témoignent de la réflexion de Chagall sur son statut d’artiste, telle une fenêtre sur son monde.

1 Manuel Charpy, « Les ateliers d’artistes et leurs voisinages. Espaces et scènes urbaines des modes bourgeoises à Paris entre 1830-1914 », Histoire urbaine, vol. 26, n° 3, 2009, p. 43-68.

2 Ibid.

3 Marc Chagall, Ma vie, Paris, réédition Stock, 1983, p. 166, in Élisabeth Pacoud-Rème, « Chagall, fenêtres sur l’œuvre », in Chagall, un peintre à la fenêtre (cat. exp., Nice, Musée national Marc Chagall, 25 juin-13 octobre 2008, Münster, Graphikmuseum Pablo Picasso Münster, 13 novembre-4 mars 2009), Paris, Réunion des musées nationaux, 2008, p. 33.