Bas-relief en marbre à la forme rappelant celle d’un silex aiguisé, Le Couple à l’oiseau représente deux amoureux enlacés, sujet récurrent de l’œuvre de Chagall. Le profil de l’homme se transforme en tête de coq, ses mains en pattes acérées, venant envelopper les amoureux de ses ailes déployées. Le double profil et la représentation zoomorphe de l’artiste en coq, présents dans de nombreuses peintures, associent l’artiste à son animal totémique, symbolisant ses racines russes et l’éveil au monde, accompagnant par son chant le lever du soleil chaque matin. Dans les œuvres Commedia dell'arte (1959) et Le Coq (1947), il est associé à la nécessité du renouveau et à la conscience humaine, figure bienveillante dont l’œil ouvert se prolonge en bec, orienté tel un doigt prophétique pointé vers le ciel. Figure prophylactique, telle que décrite dans le poème Le Coq d’or d’Alexandre Pouchkine (1834), il crée un cocon pour protéger le couple pendant son envol, motif également présent dans l’œuvre picturale de ces mêmes années dont Les Amoureux au poteau ou Couple enchaîné (1951) et Le Coq aux amoureux (1947 - 1950).
La découpe brute de la pierre, suivant les contours du couple et du bec de l’oiseau, joue sur les contrastes formels pour créer une œuvre à double lecture, dans laquelle le couple et l’oiseau fusionnent. La juxtaposition et le découpage des éléments livrent la richesse des inspirations de l’artiste, évoquant tour à tour la structure des loubki, images populaires russes, au sein desquelles l’iconographie du coq se déploie depuis le XVIIe siècle, et les bas-reliefs aux motifs décoratifs ciselés des temples khmers1, guirlandes, crosses et feuillage. À l’écoute des matériaux, Marc Chagall l’est aussi des cultures, ne cherchant jamais à imiter mais « à écouter attentivement les messages de ces peuples et de [leurs] arts2». La pureté du marbre blanc est associée à un travail d’incisions de profondeurs variées, qui rythment la surface de la pierre. Les corps, traités de manière sobre et sans effets décoratifs, contrastent avec le plumage du coq, couvert d’arabesques et de motifs circulaires. Accentuant le tracé graphique des lignes, ces motifs ornementaux font écho à la végétation luxuriante présente sur les manuscrits enluminés et les stèles funéraires juives des XVIIIe et XIXe siècles, visibles également sur les bas-reliefs Âne, poisson, lune et deux oiseaux ou La Colline (circa 1966) et Deux oiseaux et un lapin ou La Colline (circa 1966).