Céramique

Le Songe de Jacob

Marc CHAGALL

  • N° C-82
  • 1951
  • Plat
  • Terre ocre rose, décor aux engobes et aux oxydes, éléments modelés collés à la barbotine, gravé au couteau et à la pointe sèche, sous couverte
  • 43 x 33,2 x 3 cm
  • Signée MArc ChAgAll Vence et datée 1951 au dos
    Signée ChAgAll en bas à droite
  • Collection particulière

Le plat Songe de Jacob compte parmi les premières pièces céramiques de Chagall, le peintre s’appropriant cette nouvelle technique dès 1949. Entre 1950 et 1952, il réalise une quarantaine de pièces, comportant des plats, des vases et des plaques, dont les thèmes proviennent de la Bible1. Cette production témoigne de la place essentielle de l’histoire sainte dans son œuvre de l’après-guerre. Dès le début des années 1950, Chagall commence à travailler sur le Message Biblique, destiné à la chapelle du Calvaire de Vence, puis offert à l’État français en 1966, avant d’être accroché sur les cimaises du Musée national Message Biblique Marc Chagall2 en 1973. Le corpus céramique inspiré de l’Ancien Testament se construit en parallèle de l’œuvre picturale, et représente une lecture plus intime des motifs choisis pour les toiles du Message Biblique à vocation monumentale.
L’iconographie de cette céramique s’écarte d’une certaine tradition de représentation du songe de Jacob, appelé également « l’échelle de Jacob ». Les anges montant et descendant l’échelle dans le rêve de Jacob sont ici absents, seule la pierre que le patriarche met sous sa tête avant de s’endormir à la tombée de la nuit, sur son chemin vers Haran, rappelle le passage du livre de la Genèse. La tête de Jacob, aux paupières fermées, appuyée contre la pierre, occupe tout l’espace de la pièce, tel un plan cinématographique rapproché, insufflant une modernité inédite au sujet biblique ainsi qu’un lien de proximité avec le personnage. C’est moins la narration que le mystère et l’intensité du songe dans sa dimension à la fois intime et prophétique que l’artiste semble vouloir partager avec le spectateur. L’économie de la composition s’accorde remarquablement avec la vibration de la matière, dont le personnage de Jacob cherche à se détacher dans un mouvement vers le monde, jusqu’à presque envelopper le regardeur. Le visage, la barbe, les mains de Jacob et la pierre sont traités en relief – avec un décor à la barbotine. Les oxydes aux teintes marron, ocre, jaunes et vertes – aux multiples nuances – renvoient à la terre aride du désert au contact de la fraîcheur nocturne. Le visage de Jacob évoque certains portraits des vieillards de Rembrandt que Chagall vénérait et dont il s’inspirait en particulier pour les sujets bibliques. Le traitement de la matière céramique, le mouvement du relief et le chatoiement des couleurs peuvent également faire écho à la majolique émaillée de Mikhaïl Vroubel de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, inaugurant l’intérêt des peintres occidentaux pour l’art de la céramique.
En faisant des thèmes bibliques l’un des sujets de prédilection de sa peinture, sa sculpture et ses céramiques, Chagall se place à contre-courant de la peinture moderne3, avec ses tendances à l’abstraction, tout en s’inscrivant dans le courant de l’art sacré4. Après le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste se tourne de nouveau vers l’Ancien Testament – texte singulier dans sa tentative d’embrasser l’existence humaine dans sa totalité et sa plénitude. Plus que le caractère religieux, c’est la pensée de la première civilisation hébraïque ainsi que la dimension humaniste et poétique qui semblent l’émouvoir. Le traitement de la surface de cette céramique ne s’affranchit toutefois pas totalement de l’abstraction, ce qui témoigne de la perméabilité de son œuvre aux dynamiques contemporaines.

SG
1 Sylvie Forestier, Meret Meyer, Les céramiques de Chagall, Paris, Albin Michel, 1990, p. 18.
2 Depuis 2008, il porte le nom de Musée national Marc Chagall.
3 Meyer Schapiro, « Chagall’s Illustrations for the Bible » (1956), in Modern Art 19th and 20th Centuries. Selected papers, New York, George Braziller, 1978, p. 121.
4 L’« art sacré » est un mouvement initié par Maurice Denis à l’issue de la Première Guerre mondiale. Dès les années 1930 et durant la Seconde Guerre mondiale, c’est le père Couturier qui en devient le porte-parole principal. Il se lie avec de nombreux penseurs et artistes d’avant-garde, tels que Fernand Léger, Henri Matisse, Marc Chagall, Salvador Dalí, Henri Focillon, Jacques Maritain parmi d’autres, afin d’œuvrer au renouvellement des arts et de l’architecture sacrée en France, à travers notamment une série d’importantes commandes liées au contexte de construction et de reconstruction des lieux de culte.

Mot-clé :

Bible

  • Le Songe de Jacob, 1951, Céramique de Marc Chagall

    Marc CHAGALL, Le Songe de Jacob, 1951, terre ocre rose, décor aux engobes et aux oxydes, éléments modelés collés à la barbotine, gravé au couteau et à la pointe sèche, sous couverte, 43 x 33,2 x 3 cm, Collection particulière © Fabrice GOUSSET, Fabrice Gousset/ADAGP, Paris, 2024

  • Marc CHAGALL, Le Songe de Jacob, 1951, terre ocre rose, décor aux engobes et aux oxydes, éléments modelés collés à la barbotine, gravé au couteau et à la pointe sèche, sous couverte, 43 x 33,2 x 3 cm, Collection particulière © Fabrice GOUSSET, Fabrice Gousset/ADAGP, Paris, 2024

  • Marc CHAGALL, Le Songe de Jacob, 1951, terre ocre rose, décor aux engobes et aux oxydes, éléments modelés collés à la barbotine, gravé au couteau et à la pointe sèche, sous couverte, 43 x 33,2 x 3 cm, Collection particulière © Fabrice GOUSSET, Fabrice Gousset/ADAGP, Paris, 2024