Ces deux sculptures de formes rondes, en pierre de Rognes rose, représentent Bethsabée, la femme adultère de la Bible, dont s’éprend David, alors contraint de tuer son mari pour couvrir ses fautes. De par leurs formes et la pierre utilisée, ces bas-reliefs, conçus comme un diptyque, occupent une place à part dans l’œuvre monumentale de Marc Chagall. La première sculpture représente Bethsabée nue, surprise au bain par David, munis de sa harpe, dans une pose assise similaire à celle du lavis Nu (1949) et du plat Bethsabée surprise par David (1953). La deuxième sculpture montre Bethsabée ondoyante autour d’un coq, symbolisant ici le désir et l’union charnelle, David représenté à l’arrière-plan. Occupant pleinement l’espace circulaire de ses formes opulentes, le corps de Bethsabée, ode à la rondeur et à la plénitude des courbes, devient le sujet d’une exploration plastique du volume par la taille du matériau, faisant écho à la Femme accroupie de Chana Orloff (1925, bronze, MNAM, Paris).
Le travail de la pierre, jouant sur la sinuosité des lignes gravées, incisées et ciselées, donne à voir des arabesques dansantes, sensuelles, en adéquation avec la forme circulaire des pierres et la thématique charnelle. La couleur lie-de-vin de la pierre, évoquant le porphyre rouge utilisé depuis l’Antiquité, se pare d’éclats blancs mouchetés conférant à l’ensemble une force impériale, monolithique. Loin de la représentation conventionnelle du bas-relief David et Bethsabée (1982 - 1983), la monumentalité des corps, traités en volumes ronds et pleins, contraste ici avec le paysage à l’arrière-plan, plus schématique et acéré. Ce travail graphique évoque ainsi les lithographies réalisées pour la Bible, édition Verve (1960), dont celles consacrées à Ruth et Booz. Une même recherche de circularité s’y lit, également présente dans les galets peints par l’artiste à la même époque, et antérieurement dans les principes de composition des peintures et des grands décors monumentaux.