Cette sculpture en pierre de Rognes ou du Gard intitulée Le Christ fait partie d’un ensemble de plusieurs stèles que Chagall réalise à partir de 1951. Deux figures hiératiques occupent l’espace et se font face tendrement, comme dans Les Amoureux au bouquet (1958 - 1959). Dans la partie supérieure de l’œuvre, une croix suggérée et les bras levés du Christ renforcent la verticalité de la composition. La figure christique, associée au martyre du peuple juif, sûrement accompagnée de Marie Madeleine, est récurrente dans l’œuvre de l’artiste et témoigne d’une représentation du sacré à la fois multiculturelle et syncrétique, expérimentée à travers différentes techniques, de la peinture La Crucifixion en jaune (1942) à la céramique (Crucifixion (1951)).
Ici, le relief est donné grâce à l’évidement et aux nombreuses incisions dans la matière, une pierre à l’aspect granuleux. Cette pierre à la couleur claire et chaude, permettant un jeu de lumière et de texture, est un matériau ancestral, porteur de mémoire, qui fait écho aux pierres et paysages de Jéricho ou Bethléem.
La sobriété de cette sculpture, l’hiératisme des figures ainsi que le sujet biblique rappellent la sculpture monumentale romane que Chagall a pu observer à Vézelay, Autun ou encore Chartres1. Jacques Thirion affirma d’ailleurs que les sculptures de Chagall « font songer à la spontanéité et à la puissance énigmatique des œuvres du premier âge roman2».